(Théorie de la musique)
Cours d'harmonie - Page 3
par Michel Baron
- Neuvième de dominante majeure -
C'est l'accord de cinq sons placé sur le Ve degré de la gamme majeure. Les renversements n'ont pas reçu de noms particuliers.
Position
La neuvième doit toujours être entendue au-dessus de la fondamentale, à distance de neuvième au moins, et au-dessus de la sensible. C'est pourquoi le quatrième renversement n'est habituellement pas utilisé (en harmonie classique). Note: Dupré, dans son Cours d'harmonie analytique, n'impose pas cette restriction. Elle est néanmoins fort utile pour ne pas rendre l'audition intérieure trop complexe, au début.
A l'état fondamental, on peut admettre que la neuvième soit placée au-dessous de la sensible si une de ces deux notes est préparée (note: peu fréquent).
Chiffrages
Dans les deux derniers renversements, l'ordre spécial des chiffres rappelle la place obligatoire de la neuvième : au-dessus de la sensible.
Suppressions
A quatre parties, on supprime la quinte. Dans le second renversement (quinte à la basse) on est donc obligé de supprimer la septième plutôt que de supprimer la fondamentale.
(Note: les 9e de dominante sans fondamentale font l'objet d'un chapitre distinct).
Préparation et résolution
La neuvième de dominante n'a pas à être préparée.
La résolution est comparable à celle de la septième de dominante: trois notes ont un mouvement obligé: la sensible, la septième et la neuvième (voir exemples précédents).
Dans sa résolution naturelle, la neuvième descend conjointement, mais elle peut très souvent avoir une résolution anticipée (avant la fin de l'accord de dominante) en devenant l'octave de la fondamentale, l'accord se réduisant à une septième de dominante.
Toutes les autres résolutions sont dites exceptionnelles: la neuvième peut alors rester en place, ou monter conjointement:
Échanges
Avant de se résoudre, la neuvième peut être échangée contre une autre note de l'accord.
Mouvements directs aboutissant à une neuvième de dominante
À l'état fondamental, il
vaut mieux qu'une partie soit conjointe, ou que la neuvième soit entendue
dans l'accord précédent.
Dans les renversements, il faut éviter cette arrivée directe.
- Neuvième de dominante majeure sans fondamentale -
Position
Comme dans l'accord avec fondamentale, la note de neuvième doit être entendue au-dessus de la sensible. Le dernier renversement fait forcément exception à la règle puisque la note de 9e se trouve à la basse. Mais en sorte de compensation, cette note doit être préparée.
Chiffrages
Résolution (particularités)
Dans l'enchaînement de l'accord de quinte et sixte sensible avec l'accord de sixte, la septième monte conjointement (même principe que dans le cas de +6 suivi de 6).
Résolution mutuelle: dans le dernier renversement, si la neuvième fait une résolution anticipée sur la fondamentale, on peut admettre que la septième monte conjointement sur la doublure de cette fondamentale.
- Neuvième de dominante mineure -
C'est l'accord de 5 sons placé sur le Ve degré de la gamme mineure.
Position
La note de neuvième doit toujours être entendue au-dessus de la fondamentale, à distance de 9e au moins, mais il n'est pas nécessaire qu'elle soit au-dessus de la sensible.
Chiffrages
État fondamental: le chiffre
9 peut être précédé d'un bémol ou d'un bécarre, si cette précision est nécessaire.
Remarquer, dans les deux derniers renversements, que les chiffres sont disposés
verticalement dans l'ordre décroissant, contrairement à ceux de la
9e de dominante majeure (comparez).
Préparation, résolution, échanges
Mêmes remarques que chez la 9e de dominante majeure.
Voir également la page des modulations,
sous-titres Fausses relations, "mode mineur mélodique".
- Neuvième de dominante mineure sans fondamentale -
C'est un accord formé de 3 tierces mineures superposées, placé sur la sensible du mode mineur. Il s'agit de la 7e diminuée et de ses renversements.
Position
Les renversements ont des sonorités similaires: il n'y a aucune obligation dans la position des notes.
Chiffrages
Échanges
On échange souvent la neuvième contre la septième en passant par la note intermédiaire:
Résolution mutuelle
Comme on l'a vu dans le dernier renversement de la 9e de dominante majeure sans fondamentale (voir particularités) mais ici de manière plus fréquente, la note de 7e peut monter conjointement sur la fondamentale, alors que la note de 9e se résout normalement sur la doublure de cette même note. Ceci peut se produire:
1) Dans le deuxième renversement en cas de résolution naturelle (analogie avec +6 6):
2) Dans le dernier renversement en cas de résolution anticipée, comme si on se dirigeait vers un échange:
Quintes consécutives permises
Les quintes suivantes sont admises dans l'enchaînement triton et tierce mineure (septième à la basse) suivi de sixte, mais seulement entre le ténor et l'alto:
Il s'agit d'altérations chromatiques d'une ou deux notes d'un accord. Si on tient à chiffrer, il suffit de compléter le chiffrage habituel en précisant les altérations devant le chiffre représentant la note altérée.
Précautions
SIXTES AUGMENTÉES
Les accords 6 et +6 se prêtent bien à l'altération de leur basse et/ou de leur sixte. Ils précèdent immédiatement la fonction dominante, qu'ils amènent en la renforçant à des degrés divers.
Tous les exemples suivants des différentes positions de sixtes augmentées peuvent théoriquement s'appliquer aux deux modes, même s'ils sont présentés ici seulement en majeur pour mieux mettre en évidence l'altération descendante de la basse de la sixte.
L'arrivée à la fonction dominante peut théoriquement être exprimée aussi bien par l'accord de quinte seul que par la quarte et sixte d'appoggiature (de cadence) suivie de l'accord de quinte. Les seuls empêchements sont des contraintes d'écriture, selon les dispositions.
Remarques sur les exemples
L'étude de toutes les dispositions possibles, pages suivantes, n'a pas à être mémorisée. Il suffit que l'analyse en soit bien comprise et surtout que l'audition soit bien claire: votre oreille en reconstruira la mécanique lorsque l'occasion d'écrire une sixte augmentée se présentera.
Pour plus de clarté, chaque exemple débute par l'accord non altéré, suivi au 2e temps de la 1re mesure par l'accord altéré dont il est question. Dans la réalité musicale, la présence de l'accord non altéré initial n'est évidemment pas obligatoire : l'accord altéré peut être employé seul.
SIXTE ITALIENNE
C'est l'accord du IVe degré en renversement de sixte, avec en même temps altération descendante de la basse et une altération ascendante de la sixte. Si la comparaison suivante, incorrecte du point de vue analytique, peut vous aider à saisir sa construction d'une autre manière, vous pourriez imaginer une analogie enharmonique avec un accord de septième de dominante un demi-ton au-dessus de la vraie dominante, sans la quinte (mais dont la note sensible serait doublée).
Exemple
1: ne pas craindre l'octave entre les doublures ténor-alto. Ce
type de doublure est fréquent avant V ou I et amène l'accord suivant dans
une position bien équilibrée.
Exemple 2: autre disposition.
Exemple 3: l'arrivée sur un simple
accord de quinte (sans septième) engendrerait des quintes parallèles, à
moins de revenir à l'arrivée de l'exemple 2. L'arrivée sur la septième de
dominante est acceptable mais les 3 notes de l'alto sont gauches. Le départ
sur sol (septième) est meilleur si le style convient.
Exemple 4: variante correcte de l'exemple
3. Cette disposition nécessite la sixte et quarte.
SIXTE FRANÇAISE
Exemples 1 à 3: c'est l'accord +6 (emprunt au ton de la dominante, ou "V de V") avec altération descendante de la basse. C'est aussi la seule des trois qui contienne 2 dissonances apparentées à la 7e (ré - do, et la bémol - fa dièse, enharmonique de la bémol - sol bémol).
L'exemple 3 est peut-être celui qui se prêterait le mieux à aboutir sur la septième de dominante, avec un fa bécarre à l'alto mesure 2, si le style convient.
SIXTE ALLEMANDE
On peut la considérer comme une sixte française avec en plus une altération ascendante de la fondamentale (ici le ré). Si cela peut vous aider, bien que ce ne soit pas la véritable analyse, sa caractéristique est l'enharmonie avec un accord complet de septième de dominante qui serait placé un demi-ton au-dessus de la dominante principale.
Exemple 1: à cause du caractère ascendant de l'altération de la fondamentale, l'arrivée naturelle est sur la quarte et sixte (et non la quinte) faute de quoi le mouvement ascendant avorterait et on entendrait l'équivalent de deux quintes (la bémol - ré dièse suivis de sol - ré bécarre).
Exemple 2: arrivée sur 5, sans quarte et sixte. Seulement dans cette position, issue de l'exemple 1, on admet les quintes consécutives de cet enchaînement même si on emploie souvent cette écriture enharmonique qui masque la quarte sur-augmentée entre basse et ténor, pour la transformer en quinte juste (on reconnaît l'enharmonie possible avec l'accord de 7e de dominante).
Sorry pour les appellations
Ces qualificatifs d'italienne, française et allemande sont en usage dans les pays... anglo-saxons. Comme pour la sixte napolitaine, ils n'ont rien de strictement géographique ni historique, les trois types de sixtes pouvant coexister sans aucun heurt à l'intérieur d'un même temps :
Il y aura sûrement un jour un grand théoricien anglo-saxon qui baptisera cet innocent exemple : "sixtes de la Communauté européenne" ! Pendant ce temps, Jacques Chailley montre dans son Traité historique d'analyse musicale (p. 31) les premières apparitions de sixtes prétendument italiennes (selon la nomenclature anglaise à la mode au Québec), plaquées dans un effet dramatique par Pascal de l'Estocart, musicien français du XVIe siècle.
Si cela peut vous apporter une aide mnémotechnique, voici comment un de mes anciens élèves présente les différentes sixtes augmentées à ses étudiants (il est professeur dans une université aux États-Unis). | |
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Examinons la légèreté de la sixte italienne : avec juste une tierce et une sixte augmentée, elle est aérée, ensoleillée, un peu comme la cuisine italienne. Un peu de tomate fraîche, d'huile d'olive et de basilic, et c'est délicieux. |
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Les Français se doivent d'être un peu différents, car ils veulent qu'on les écoute quand ils ont une position politique divergente. C'est pourquoi ils ajoutent le triton. C'est plus personnel, plus distingué. |
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Bien entendu, les Allemands ont les pieds sur terre ! Ils tiennent à avoir l'assiette bien garnie, et un menu bien équilibré, c'est pourquoi ils ajoutent la quinte juste. |
Un retard est une note d'un accord qui se trouve prolongée sur l'accord suivant. Elle est alors une note étrangère à ce dernier accord, jusqu'à ce qu'elle se résolve sur une note réelle de cet accord.
Le retard occupe un temps
plus accentué que sa résolution.
La note constituant le retard supérieur doit faire partie du ton et du
mode de l'accord pendant lequel se produit ce retard.
Le retard peut être simple, double ou triple, inférieur ou supérieur.
Note: ne pas confondre... c'est le retard inférieur qui se résout en montant, et le retard supérieur qui se résout en descendant.
Préparation
Le retard doit être préparé selon les mêmes principes qui prévalent pour les septièmes d'espèces; la durée de la note de préparation doit être au moins égale à la durée du retard.
Chiffrages
Ce sont les chiffrages habituels, complétés par les chiffres nécessaires. Le chiffrage du retard devient souvent plus explicite quand on le compare à celui de sa résolution. Voici quelques exemples montrant chaque fois le retard de la fondamentale, celui de la tierce, et enfin celui de la quinte.
Retards dans l'accord de quinte :
Remarques :
- le retard de la fondamentale
est toujours d'un bel effet.
- le retard de la quinte fait équivoque avec l'accord de sixte, sans dissonance.
Retards dans l'accord de sixte :
Remarque : se méfier de l'effet "blafard" des retards ou rencontres de notes produisant un accord de quarte et sixte mineure (exemple de droite).
Retards dans l'accord de quarte et sixte :
Remarque : les trois types de retard sont riches et élégants.
Retards de la basse :
Remarque : le choix des doublures pendant le retard est restreint et parfois inhabituel, car il est absolument interdit de faire entendre la note de résolution en même temps que le retard à la basse.
Précautions
Pour ne pas en appauvrir l'effet, on ne doit jamais faire entendre simultanément le retard et sa note de résolution, sauf dans les deux cas suivants:
1) Lorsque la note de résolution est à la basse et que le retard est au moins à distance de neuvième (ou de septième dans le cas d'un retard inférieur):
2) Dans l'accord de sixte, renversement de l'accord majeur, et si le retard et la note de résolution sont à distance de neuvième majeure comme dans cet exemple :
Notes: les deux cas permis exprimés par cette règle sont une convention stricte de type "scolaire", obéissant à une exigence maximum et offrant toutes les garanties de qualité dans une écriture où les quatre voix ont des importances équivalentes. Ces règles représentent aussi une bonne assurance en cas de travail à soumettre à un jury dont on n'est pas certain des exigences. On peut cependant admettre des exceptions à ces règles strictes lorsque cela ne nuit pas aux lignes ou à la clarté harmonique. Mais en aucun cas on ne peut faire entendre la note de résolution au-dessus du retard.
Conseils pour les basses données chiffrées
Agrégations formant un accord de quinte augmentée
Dans une basse donnée, si on éprouve de la difficulté pour analyser le sens d'un accord de quinte augmentée, on peut recourir au moyen suivant:
1) Si la note formant quinte augmentée ne fait pas partie de la tonalité, c'est une altération de l'accord de quinte. On peut donc doubler la basse.
2) Si la note formant quinte augmentée fait partie de la tonalité, c'est un retard de la sixte dans l'accord de sixte. En principe on ne peut donc pas doubler la basse, la doublure la plus probable est donc la tierce.
Une appoggiature est un retard non préparé. Les précautions à prendre sont les mêmes que pour les retards. L'appoggiature se présente normalement sur temps fort, et doit autant que possible former dissonance avec une autre note de l'accord.
Les quintes directes et les deuxièmes quintes consécutives aboutissant à une appoggiature sont en principe permises, comme avec toutes les notes non harmoniques (dites notes étrangères).
Sauf exceptions, le style
de la basse donnée ne comporte pas d'appoggiatures.
- Broderies -
Une broderie est un battement conjoint, quittant puis rejoignant une note réelle. Elle peut se produire par ton ou demi-ton, inférieur ou supérieur. Contrairement au retard et à l'appoggiature, elle se produit sur un temps (ou partie de temps) plus faible que celui où se trouve la note réelle.
Seule la broderie par demi-ton inférieur peut être une note étrangère à la tonalité.
Dans le cas de la broderie d'un retard, une deuxième quinte ou une deuxième octave produite par une broderie est permise, même si ce deuxième intervalle est formé de notes apparemment réelles (Caussade, Vol.I, par.334 p.229). On peut rapprocher ce cas de la deuxième octave formée par la broderie supérieure de la septième d'espèce, avant sa résolution.
Précautions
1) La broderie ne doit pas engendrer de rapports de demi-tons (ni leurs redoublements et renversements) avec d'autres notes de l'accord, sauf si cette broderie se produit par ton supérieur ou demi-ton inférieur:
2) On ne doit pas broder par demi-ton si la note brodée est tenue au-dessus. Par contre, dans le même cas on peut broder par ton entier.
3) Il va de
soi qu'il ne faut pas broder un unisson.
- L'échappée -
Une échappée est une broderie sans résolution. Elle peut être supérieure ou inférieure. Elle convient aux styles libres, non classiques. C'est aussi une mauvaise excuse pour les harmonistes médiocres qui ne trouvent pas les bons accords convenant au chant donné, au début des études...
- Notes de passage -
Les notes de passage sont des notes étrangères qui passent conjointement entre deux notes, soit diatoniquement, soit (plus rarement) par demi-ton. Elles se présentent le plus souvent sur temps faible ou partie faible du temps, mais peuvent occasionnellement se présenter sur le temps fort.
Les notes de passage peuvent engendrer des frottements dissonants avec les autres notes de l'accord, ou même avec d'autres notes de passage. Il faut donc contrôler soigneusement la qualité de ces rencontres de notes. Leur variété est très grande; la disposition de l'accord et la distance relative entre les notes influent largement sur le résultat sonore, plus que les notes elles-mêmes: il serait hasardeux de compter sur des règles définitives. Voici cependant deux critères à peu près universellement valables:
1) Il faut surveiller en particulier les rapports apparentés au demi-ton (septième majeure et neuvième mineure) entre la note de passage et d'autres notes de l'accord, et les éviter si:
- dans le cas de
la 7e majeure c'est la note du bas qui est étrangère,
- dans le cas de la 9e mineure c'est la note du haut qui
est étrangère.
2) Si une note de passage engendre une relation de tierce ou de sixte (ou leurs renversements) avec une autre note réelle (ou de passage), il y a une forte présomption pour que la rencontre de note ne soit pas trop dure.
Les rapports jugés trop durs peuvent parfois être évités par l'adjonction d'une autre note étrangère, dans une autre voix. Le dernier juge est l'oreille.
Note concernant les basses chiffrées: quand il y a une ou plusieurs notes étrangères dans un chiffrage donné, si elles font partie de l'accord précédent elles doivent être évidemment considérées comme des retards qui ont été préparés. Dans le cas contraire, elles peuvent être des notes de passage ou des broderies. Par convention, elles ne sont jamais des appoggiatures.