(Théorie de la musique)

Cours d'harmonie - Page 3

par Michel Baron


- Pédales -

Pédale à la basse

C'est une note essentielle à la tonalité (tonique, dominante) qui ne fait pas partie de l'harmonie en cours, sauf quand elle est attaquée et quand on la quitte. Si la note de pédale est tenue à la basse, c'est alors le ténor qui devient la véritable basse et il doit être traité et chiffré en conséquence. Mais la pédale peut aussi survenir dans les autres parties.

La fonction tonale d'une pédale placée à la basse est considérable. Le sentiment de la fonction générale (tonique, dominante) reste bien celui de la pédale: toutes les modulations qui surviennent au cours de la pédale doivent être analysées comme passagères.

 Toutes les modulations aux tons voisins sont possibles, selon la durée de la pédale. Sur une pédale de dominante, le seul ton incorrect est la tonalité mineure ayant la pédale pour tonique: on aurait alors l'impression que l'épisode de pédale est terminé en ayant perdu les fonctions premières de la sensible et de la dominante.

Éléments thématiques

La pédale de dominante en particulier permet, dans certaines basses non chiffrées, de réintroduire certains éléments thématiques.

Accords de onzième et de treizième de tonique

Ce sont les accords de septième de dominante et de neuvièmes de dominante mineure et majeure employés comme retards, appoggiatures ou sur pédale. Dans l'écriture à quatre parties la fondamentale et la quinte peuvent être supprimées. Les chiffrages en sont respectivement:

+7 +7
 6
  6
+7

La disposition irrégulière de ce dernier chiffrage (ci-dessus) précise qu'il s'agit de la neuvième majeure à position obligée.

Pédales supérieure ou intermédiaire

Dans les exercices, en particulier les chants donnés faciles ou de difficulté moyenne, une pédale autre qu'à la basse doit pouvoir être analysée comme une note intégrante de l'harmonie, ou du moins comme une dissonance se résolvant en restant en place. On ne doit pas contourner les difficultés d'harmonisations en baptisant pédale supérieure une note qu'on n'a pas su harmoniser.


- Basses non chiffrées -

L'étude de la basse non chiffrée est parfois déroutante au début, l'élève ne sachant quoi faire de sa soudaine liberté. Ces exercices sont effectivement difficiles et ne devraient pas être abordés trop tôt. Les basses non chiffrées peuvent être de différents types :

Basse à contrepoint renversable

On découvrira dans la partie de basse donnée deux extraits, parfois de caractères complémentaires, qui dans les cas avantageux couvrent à eux seuls la quasi-totalité du texte. On recherchera dans quelle tonalité chacun des deux thèmes peut servir de chant à l'autre. Le schéma harmonique est alors presque entièrement déterminé, sa qualité étant la confirmation de la bonne disposition du contrepoint renversable.

Dans les travaux d'un niveau avancé, on veillera à ne pas trop limiter les deux parties intermédiaires à un rôle de remplissage.

Basse à entrées

Si la basse donnée entre selon un motif thématique d'intérêt évident, qu'elle soit la première partie à parler ou qu'elle soit précédée de plusieurs mesures de silences, il peut y avoir intérêt à réaliser des entrées distinctes pour chacune des trois autres parties.

Les entrées peuvent obéir plus ou moins au style fugué, mais il peut s'agir aussi d'entrées en canons divers ou d'une construction plus libre: le même motif peut avoir pour réponse son renversement mélodique, son imitation libre ou son imitation rythmique.

Au cours de l'exercice, si une partie se tait occasionnellement, elle doit entrer à nouveau en faisant entendre un motif thématique bien évident.

Basse libre

C'est la plus déroutante, surtout quand il n'y a pas d'élément thématique particulier à exploiter. C'est peut-être ce type de basse qui demande le plus d'équilibre entre l'intérêt harmonique et le souci d'une bonne écriture contrapuntique. Du point de vue de la difficulté, elle se compare au chant donné dans le style du choral d'école.


- Le choral d'école -

Avant d'apprendre à écrire des chorals dans le style de ceux réalisés par Bach, il est d'usage de compléter l'étude de l'harmonie par des exercices développant le style contrapuntique. Contrairement aux chorals traités par Bach, le choral d'école respecte des règles à la fois plus simplistes et plus strictes : il faut surtout le considérer comme un outil d'assouplissement préparatoire au choral selon Bach, ou à d'autres formes de choral libre de style moderne.

Une fois le choral d'école bien maîtrisé, ou encore si on ne souhaite pas travailler le choral dans la tradition "d'école", on pourra atténuer la rigueur des règles suivantes de manière à se rapprocher du style de Bach. Il suffit de se reporter, au bas de cette page, aux notes concernant le style du choral chez Bach.

Règles mélodiques

Le choral d'école est un chant donné, en valeurs presque toutes égales, le plus souvent en noires. Il peut avoir un caractère modal.

La mélodie est divisée en sections appelées "périodes", ponctuées par des points d'orgue.

Toutes les voix devraient tendre vers le même équilibre horizontal. Par exemple, chacune d'entre elles doit pouvoir placer à son tour des mouvements de notes de passage en croches (note 1). Les intervalles larges doivent être utilisés à bon escient.

L'intervalle mélodique risquant d'être le plus plat est la tierce : on surveillera son emploi. Au contraire, les intervalles mélodiques de quarte et de quinte sont dynamiques et expressifs, si on n'en abuse pas.

Les seules notes étrangères permises sont les notes de passage, les broderies et les retards.

On n'admet pas d'accords altérés ni d'appoggiatures.

En fin de phrase, la sensible peut descendre à la quinte sans restriction pour conserver un accord final complet. Ce procédé est courant chez Bach.

Règles harmoniques

Les arrêts sur points d'orgue doivent être supportés par une cadence parfaite, une cadence rompue ou une demi-cadence. Donc, en principe, les arrêts se produisent sur des accords à l'état fondamental (note 2).

Il faut s'obliger à éviter deux repos consécutifs sur un même accord, sauf si leurs fonctions tonales sont différentes (note 2).

Tous les accords de septième doivent être préparés. En ce qui concerne les septièmes de dominante, il suffit que l'une des deux notes formant la dissonance soit en place lorsque l'autre se présente. En d'autres termes, il vaut mieux ne pas attaquer (plaquer) les accords de septième de dominante (note 2).

Les seconds renversements sont proscrits, à moins qu'ils se présentent par rencontres de notes de passage (note 3).

Après une période, on peut repartir sur le même accord. On peut également être tolérant en ce qui concerne les syncopes d'harmonie, à condition que l'intérêt contrapuntique le justifie.

Règles rythmiques

La sobriété est de règle. On utilisera des noires, quelques blanches, et des croches autant que possible: à titre scolaire et uniquement pour développer l'adresse d'écriture, tous les temps devraient être occupés par deux croches dans au moins une partie (note 1).

Note: cette obligation peut sembler irréalisable au début, mais c'est un excellent exercice pour être capable ensuite, dans des chorals dans le style de Bach, ou d'autres styles, de "parler" en croches absolument on le décide, et quand on le décide.

L'emploi des doubles croches doit être très modéré, et sous forme de croche sur le temps suivie de deux doubles, toutes trois conjointes (note 4).

 

Notes concernant le style du choral chez Bach

Note 1 :Pas d'obligation du genre chez Bach. Toutes les éventualités existent.
Note 2 :Bach fait occasionnellement des exceptions à ce principe.
Note 3 :Bach utilise très occasionnellement la quarte et sixte d'appoggiature, et éventuellement sur le 1er degré (voir le chapitre : quarte et sixte d'appoggiature).
Note 4 :On rencontre plus rarement : deux doubles sur le temps suivies d'une croche.


- STYLES -

Exemple de réalisation : période romantique

Voici un court exemple de travail qu'il est possible d'aborder après avoir assimilé l'ensemble du cours. On a alors acquis tous les outils techniques nécessaires pour se lancer dans l'imitation de différents styles.

Tout d'abord transcrivez cet alterné de chant donné et basse non chiffrée, de préférence dans un système à quatre portées afin de ne pas être à l'étroit dans l'écriture graphique des voix.

Il s'agit d'évoluer dans un style romantique. Ici j'ai plus particulièrement pensé à Brahms, en particulier à l'atmosphère de ses Intermezzo. Au choix du professeur, ou de l'élève, la réalisation pourrait être pensée pour piano ou pour divers ensembles instrumentaux.

Texte donné

Comme guides pour ce niveau de travail, on pourra se référer au Manuel pratique pour l'approche des styles, de Bach à Ravel, d'Yvonne Desportes et Alain Bernaud. Pour les travaux, on trouvera un large éventail de styles dans les 90 leçons d'harmonie sur l'évolution harmonique du XIIIème siècle à nos jours d'Yvonne Desportes, ainsi que dans les Mélodies instrumentales à harmoniser dans quelques styles harmoniques caractéristiques d'Henri Challan. Pour plus de renseignements, consulter la page de bibliographie.

Voici un exemple de réalisation. Il va de soi que bien d'autres réalisations pourraient être tout à fait réussies, même en s'éloignant sensiblement des choix de celle-ci, qui n'est proposée qu'à titre d'exemple. Il est possible de l'écouter en direct en cliquant sur le lien MIDI.

Réalisation suggérée


- Tableau des chiffrages -

Ils ne sont pas « bons parce qu'ils sont vieux »,
au contraire, ils sont « vieux parce qu'ils sont bons. »

Ces chiffrages sont ceux utilisés par les traités francophones qui ont guidé les premiers pas, et avec un certain succès, de gens comme D'Indy, Debussy (!), Pierné, Dukas, Ravel, Roussel, Enesco, Ibert, Milhaud, Poulenc, Jolivet, Messiaen, Françaix, Dutilleux, et certainement bien d'autres.

Le principe général, mais pas totalement universel (il a fallu faire des choix) consiste à symboliser les notes les plus caractéristiques de l'accord et de son état par des chiffres qui représentent leur intervalle avec la basse.

Le + seul signifie que la tierce est sensible.
Le + devant un chiffre indique que cette note est la sensible.
Un chiffre barré indique un intervalle diminué.

On aurait pu aussi bien imaginer n'importe quel autre système visuel de symboles (autre que des chiffres) pour répondre au besoin particulier des harmonistes : indiquer en même temps le type d'accord et son renversement sans offrir à l'élève l'analyse tonale toute faite sur un plateau d'argent.

En effet, c'est bien une partie de l'exercice, que les tonalités et les modulations soient laissées à la compréhension de l'élève. C'est pourquoi il n'y a pas de raison de considérer ces chiffrages comme une tare historique ou pédagogique, sous prétexte qu'ils ne sont que des "numéros d'assurance sociale" destinés à cataloguer du "matériel vertical". À la manière dont un claveciniste comprend ce qu'il doit réaliser à partir de sa basse chiffrée (mais plus vite!) un harmoniste peut, doit comprendre et surtout entendre ce que souhaite lui faire construire l'auteur de l'exercice d'harmonie.

Ce procédé de chiffrage n'est pas du tout destiné à plaire aux analystes, qui ont le droit d'avoir leurs besoins et leurs outils propres. Sous prétexte qu'une bonne connaissance de l'harmonie classique est aussi un outil d'analyse, il ne faut pas perdre de vue son objectif premier qui est tout de même le développement d'aptitudes à s'adapter et à construire. Si ces chiffrages sont destinés à représenter des états verticaux instantanés dans des basses chiffrées à un niveau avancé, c'est que, pour pouvoir travailler à fond chaque accord et chaque renversement dans tous les contextes possibles, les harmonistes - ceux qui apprennent à écrire, pas à en parler - ont besoin d'indications précises et complètes, souvent sur chaque temps d'une mesure, tout en faisant l'effort auditif intérieur normal pour entendre l'évolution tonale et la structure générale de la basse chiffrée.

Pas rentable, pas fructueux, l'exercice du type basse chiffrée ? Pour une clientèle insuffisamment formée, qui n'entend pas et qui est condamnée à l'amateurisme, ou encore qui se limite à l'analyse, certainement. Pour ceux qui veulent vraiment apprendre à écrire, c'est la seule manière de redécouvrir en profondeur (et par l'action) les nombreuses constructions diverses et astucieuses que seuls les véritables petits Mozarts portent dans leur bagage génétique...

 

Pour écouter les accords en suivant les chiffrages ligne par ligne, cliquez dans la colonne de gauche.
Attention, pour certains chiffrages, il peut y avoir un contexte d'accords ou plus d'un exemple.

Tableau récapitulatif des chiffrages
  1er  renv. 2e renv. 3e renv. 4e renv.
  Fondam.
à la basse
Tierce à
la basse
Quinte à
la basse
Septième
à la basse
Neuvième
à la basse
Accord parfait 5 6 6
4
 
Acc. de quinte incomplet 3 ou 8  
7e de dominante 7
+
6
 5 
+6 +4  
7e de dominante
sans fondamentale
   5  +6
  3
  6
+4
 
7e  d'espèces 7 6
5
4
3
2  
9e  de dominante majeure 9
7
+
7
6
 5 
  5
+6
  4
  3
+4
  2
 
9e  de dominante majeure
sans fondamentale
  7
 5 
  5
+6
  3
+4
  4
+2
*
9e  de dominante mineure (b)9
    7
   +
 7 
6
 5 
+6
   5 
  4
+4
  3
  2
 
9e  de dominante mineure
sans fondamentale
   7  +6  
 5 
+4
  3
+2
( * ) Avec préparation de la basse

 


- Bibliographie -

Les grands traités d'harmonie
Les ouvrages pratiques
Les exercices
Exemples musicaux
Ouvrages de portée générale

Il n'y a aucune préoccupation de normes bibliographiques dans cette page.
C'est simplement un rassemblement d'informations sur un sujet qui m'intéresse.

 


Les grands traités d'harmonie

On apprend l'harmonie avant tout avec un ou des professeurs. Sous leur direction, le recours à un traité complet et volumineux n'est pas indispensable pour progresser rapidement. Inversement, il est probablement illusoire d'espérer étudier sérieusement l'harmonie sans professeur, avec la seule aide des livres : trop de questions diverses peuvent venir à l'esprit de l'étudiant. Pour progresser vite il lui faut deux outils : des réponses immédiates qu'il retiendra mieux puisqu'elles viennent à propos, et une assistance régulière dans ses travaux. De plus, il ne faut pas qu'il tombe dans l'excès consistant à consacrer trop de temps à l'acquisition de connaissances livresques au détriment des exercices d'écriture : il deviendrait vite quelqu'un pouvant parler d'écriture, au lieu d'en faire, ce qui ne signifie pas pour autant qu'il saurait l'enseigner.

Au contraire, les traités peuvent se révéler une mine de renseignements lorsque l'étudiant a acquis au moins une solide base ou mieux : après une formation à peu près complète. Rien n'est plus intimidant et décourageant que de se plonger seul ou trop tôt dans la masse de renseignements et d'exemples proposés par ces ouvrages, à moins qu'un professeur sache vous indiquer quels sont les points essentiels, pour vous épargner les considérations secondaires dont il vaut mieux, du point de vue pratique et pédagogique, ne pas s'encombrer lors du "b-a-ba" des études.

Enfin, sans vouloir manquer de respect à leurs illustres auteurs, il faut bien convenir que dans la plupart des cas les traités suivants, volumineux ou anciens, conviennent difficilement aux exigences de la pédagogie empressée d'aujourd'hui. C'est parfois d'ailleurs fort regrettable, à la fois pour la bonne pédagogie et pour les meilleurs étudiants.

Marcel Bitsch, photo de 1999.
Marcel BITSCH

Marcel Bitsch, Précis d'harmonie tonale, Leduc. Format 20 x 28 cm, 115 pages. C'est moins un ouvrage didactique qu'encyclopédique : ne convient pas à un étudiant qui voudrait progresser seul. Catalogue extrêmement bien construit des règles. Exemples musicaux extrêmement nombreux mais réduits à leur plus simple expression. Pas d'exercices. Ouvrage relativement récent (1957), comportant quelques acquisitions récentes généralement absentes des autres traités. À recommander.

Georges Caussade, Technique de l'harmonie, Lemoine. En deux volumes: traité (format 22 x 30 cm, 273 pages), analyse et réalisation des exercices (256 pages) utilisant les clés d'ut.

Théodore Dubois, Traité d'harmonie théorique et pratique, Heugel. Format 18 x 26 cm, 253 pages. Ancien (1921), sa classification et ses appellations ne sont plus guère en cours aujourd'hui. Un peu inutilement strict et complexe (par exemple pour les quintes et octaves directes). Relativement surchargé d'exemples, visuellement touffu. Nombreux exercices (réalisations publiées à part).

Photo domaine public
Marcel DUPRÉ
Photo (domaine public) dédicacée à l'AGO :
"To the American Guild of Organists.
In grateful appreciation of the friendly
welcome in the United States". 5 juin 1934.

Marcel Dupré, Cours d'harmonie analytique, Leduc. En deux volumes, 1re année, 2e année.

Émile Durand, Traité complet d'harmonie, Leduc. En 1 ou 2 volumes. Réalisations publiées à part.

Émile Durand, Abrégé du cours d'harmonie, Leduc. Réalisations des leçons publiées à part.

Julien Falk, Technique complète et progressive de l'harmonie, Leduc. Format 25 x 31 cm. En trois volumes, le dernier donnant les corrigés des devoirs. Récent (1969), clair, pas trop surchargé. Pourrait constituer une trame de cours utile aux jeunes professeurs inexpérimentés. On peut regretter le choix de l'auteur voulant innover plus ou moins heureusement dans le domaine terminologique : on sait combien le milieu musical est traditionaliste en cette matière. L'auteur recommande judicieusement les 380 basses et chants donnés d'Henri Challan comme complément d'exercices (citées plus bas).

Photo domaine public
Charles KOECHLIN
(Photo domaine public)

Charles Koechlin, Traité de l'harmonie en 3 volumes, Eschig. Format 22 x 30 cm. Volume I (193 pages) : harmonie traditionnelle. Volume II (271 pages) : modes grégoriens, style contrapuntique, leçons de concours, licences, nouvelles conceptions, harmonie et composition, évolution de l'harmonie des origines à la bitonalité, polytonalité et atonalité. Rédaction très discursive, ne perdant jamais de vue les préoccupations musicales. Volume III (235 pages) : réalisations des leçons des volumes I et II, présentées en clefs de sol et fa. À peine plus jeune que le traité de Dubois (ces deux ouvrages étaient contemporains dès 1928), peut-être destiné à faire mordre la poussière à celui-ci, ce monument d'un des plus grands pédagogues du siècle est resté relativement méconnu, paradoxalement à cause de son envergure et de son coût. Ouvrage de référence à recommander au moins aux institutions, le coût étant probablement prohibitif pour certains budgets d'étudiants. On peut lire sur ce site quelques extraits choisis de l'avant-propos, avec l'aimable autorisation des éditions Max Eschig.

Nicolas Rimsky-Korsakoff, Traité d'harmonie théorique et pratique, Leduc. (La maison d'éditions Ricordi a une traduction en espagnol.) La 3e édition date de 1893. Format 21 x 29, 107 pages. Certains termes ne sont plus employés de nos jours. Si l'on peut faire abstraction de cette particularité, on trouvera certaines explications analytiques diablement claires et concises, en particulier dans les paragraphes intitulés supplément.


Les ouvrages pratiques

Précis pratique d'harmonie
L'ancêtre du présent cours était moins développé et moins épuré (1973).

Michel Baron, Précis pratique d'harmonie, Brault et Bouthillier (Montréal). Format 21 x 28 cm, aide-mémoire de notions essentielles, moins développé que le présent Cours d'harmonie qui en est une descendance directe, bonifiée à travers chaque nouvelle année d'enseignement au conservatoire. À l'époque de sa publication, en 1973, il n'existait aucun ouvrage d'initiation et d'approche progressive simplifiée, rédigée par des auteurs issus d'écoles reconnues. Il semble bien qu'il fallut attendre l'excellent petit Traité d'harmonie en vingt leçons, d'Yvonne Desportes, en 1977, pour contribuer à l'approche pratique de l'étude de cette discipline, et probablement pour susciter de nouveaux intérêts et un certain renouveau pédagogique.

Aujourd'hui il existe plusieurs ouvrages plus ou moins récents, en français, de volume modeste et d'approche volontairement pratique, comme le présent cours. La plupart sont imprimés en France, et il est regrettable que les coutumes de publication ne nous donnent pas au moins un bref aperçu concernant les auteurs et leur formation. Certains de ces ouvrages pourront certainement apporter beaucoup aux étudiants et même aux vocations tardives souvent condamnées à devenir "autodidactes livresques solitaires".

Par contre, d'autres ouvrages sont franchement fumistes et répandent avec sans-gêne (est-ce ignorance ou arrogance?) certaines confusions de vocabulaire allant à l'encontre de tous les usages clairement établis. Dans l'un d'eux, on peut baptiser le IIe degré "sous-dominante" simplement parce qu'il précède volontiers le Ve degré. Un autre affirmera qu'une cadence parfaite présente obligatoirement la succession sensible-tonique au soprano. Un autre cours, et universitaire s'il vous plaît, inverse purement et simplement les définitions de la demi-cadence et de la cadence imparfaite, mais le sujet demeure tabou. Voilà des embûches dont l'étude difficile de la musique, presque toujours auprès de de professeurs successifs, n'a vraiment pas besoin. Conservez donc votre esprit critique en éveil lorsque vous consultez des ouvrages d'enseignement de l'harmonie et, avant tout, consultez ce qui suit.

Yvonne Desportes, Traité d'harmonie en vingt leçons, Gérard Billaudot. En deux volumes : traité (format pratique 16 x 23 cm, 81 pages) et réalisations (format 18 x 27 cm, 42 pages, présentées en clefs de sol et fa. Quelques exercices sont inclus, mais en nombre insuffisant, en particulier pour le début des études, les tout premiers semblant renoncer volontairement aux préoccupations musicales. Simple, c'est un des premiers ouvrages destinés à être mis entre toutes les mains, par un auteur éminent et internationalement reconnu. Vérifiez éventuellement la toute première édition sortie hâtivement et truffée d'erreurs typographiques, en particulier dans les chiffrages : un feuillet d'errata y était inséré.

Yvonne Desportes, en 1929
Yvonne DESPORTES
Détail d'une photo de 1929
(domaine public)
Auteur inconnu

Yvonne Desportes, Guide servant d'appendice aux traités d'harmonie, Ricordi. Format 21 x 27 cm, 60 pages. Aborde les exercices complexes auxquels on parvient après avoir étudié à fond l'ensemble d'un traité : basse donnée non chiffrée, modes grecs et grégoriens, choral et alternés. Très utile pour des études sérieuses, et probablement unique en son genre.

Yvonne Desportes et Alain Bernaud, Manuel pratique pour l'approche des styles, de Bach à Ravel, Gérard Billaudot. En format 15½ x 23½ cm, 53 pages. Catalogue de formules caractéristiques, unique en son genre. Tableau comparatif des formules-types de cadences et autres éléments stylistiques chez Bach, Mozart, Beethoven, Schumann, Brahms, Franck, Fauré, Debussy, Ravel. Il suppose évidemment les techniques d'écriture et d'analyse harmoniques acquises au préalable.

Yvonne Desportes, Précis d'analyse harmonique, Heugel. Format 18½ x 27 cm, 40 pages. S'adresse moins à ceux qui veulent faire de l'écriture qu'aux amateurs, aux mélomanes ou aux analystes souhaitant approfondir la construction des oeuvres.

Georges Guillard, Manuel pratique d'Analyse auditive, Paris, éditions Transatlantiques, 1982 (2e édition, 1996), 135 pages. Ouvrage essentiellement pratique à l'intention des étudiants de lycées musicaux, de Conservatoires ou des UFR de Musique et Musicologie. Il s'efforce de donner des clés simples (vocabulaire, grammaire) pour une écoute attentive et analytique des langages musicaux du XVIIe au XXe siècle. (G.G.)

Charles Koechlin, Étude sur les notes de passage, 6e édition, Eschig. Fascicule 15½ x 24 cm, 75 pages. Ouvrage exemplaire traitant aussi ce sujet de manière distincte dans le contrepoint et dans la fugue d'école, les sections qui nous concernent ici sont : Notes de passage dans les leçons d'harmonie et Notes de passage dans le choral. Ouvrage très discursif, comme souvent chez cet excellent compositeur et pédagogue. Nombreux exemples. Lecture à recommander fortement à l'élève ayant étudié correctement les notes de passage avec son professeur.

Charles Koechlin, Étude sur le Choral d'école,d'après J.-S. Bach, avec les thèmes de Gabriel Fauré. Éd. Heugel, format 18 x 27 cm, 80 pages. Distingue heureusement le choral d'école, les chorals dits "de Bach" et les chorals libres. Ouvrage discursif magistral à recommander à ce moment des études.

Olivier Messiaen, Technique de mon langage musical, Leduc. En deux volumes, textes (format 20 x 29 cm, 72 pages) et exemples musicaux (grand format peu pratique 26 x 34 cm, 62 pages). Publié en 1944. Sa mention ici dans une liste d'ouvrages concernant l'harmonie classique est largement hors-sujet, mais c'est évidemment un ouvrage de référence unique en son genre.


Addendum aux ouvrages pratiques, par M. Johannes Zwaans, France.

Jean Medinger, L'harmonie pour tous ( 71 pages ) éditions Paul Beuscher.

Isabelle Duha, L'harmonie en liberté, de la mémoire à l'improvisation, volume 1 ( 80 pages ) éditions Gérard Billaudot. Cet ouvrage semble particulièrement intéressant par son souci de faire appel aux facultés auditives plutôt qu'à une approche intellectuelle.


Les exercices

Albert Beaucamp, Vingt-quatre leçons d'harmonie, Leduc. En deux volumes, textes et réalisations en clefs d'ut (format 20 x 29 cm). Basses, chants et alternés en trois séries : de faciles à très difficiles. Connaissance complète du traité requise.

Marcel Bitsch, Le problème d'harmonie, Leduc. En deux fascicules 20 x 29 cm. D'une part les textes et conseils de travail sur vingt-quatre leçons annotées, permettant un travail préparatoire. D'autre part, les réalisations présentées en clefs d'ut. Basses non chiffrées, parmi des textes assez difficiles. Ouvrage intéressant et unique en son genre en ce sens qu'il pousse plus loin le principe de l'ouvrage de Jean Gallon (voir plus bas) et se présente presque comme une alternative à des cours privés.

Marcel Bitsch, Exercices d'harmonie, Leduc. Quarante textes en 4 séries et deux volumes, le premier se limitant aux accords classés, le second comportant des exercices de moyenne difficulté à difficiles sur l'ensemble des notes étrangères. Textes, réalisations (format 20 x 28 cm) présentées en clefs d'ut.

Marcel Bitsch, Vingt-quatre leçons de concours, Leduc. En deux fascicules : textes seuls (format 15 x 22 cm) et réalisations présentées en clefs d'ut (25 x 32 cm). Contient alternés, basses, chants et chorals, certains difficiles. On doit avoir couvert l'ensemble du traité.

Henri Busser, Vingt-cinq leçons d'harmonie, Leduc. En deux fascicules, basses et chants donnés, réalisations (format 20 x 29 cm) présentées en clefs d'ut. Exercices très construits (thèmes renversables, imitations, etc.), comportant six alternés.

Henri Challan
Henri CHALLAN
(Merci à Mme Jacqueline Challan)

Henri Challan, 380 basses et chants donnés, Leduc. En dix fascicules pour l'élève et 10 fascicules de réalisations correspondantes pour le professeur ou l'élève travaillant seul. Présentation utilisant les clefs d'ut. La plupart des corrigés présentent seulement la voix extrême opposée, avec quelques indications codifiées simplement en cas de doute sur la réalisation des voix intermédiaires. Les travaux les plus avancés sont entièrement réalisés à quatre parties. Seul catalogue d'exercices abordant progressivement et séparément chaque élément du langage harmonique, de ce fait utilisables pendant l'étude du traité, avec un choix de textes suffisant et généralement bien progressifs, de très faciles à difficiles. Les exercices manquant un peu d'intérêt musical sont très rares et ne concernent guère que les accords de quinte. Le professeur avisé pourra facilement recommander d'éviter provisoirement deux ou trois textes un peu plus délicats, ou utilisant des tournures peu fréquentes ou peu indispensables, qui peut-être ont été classés par l'auteur un peu vite vers le début de la liste. Ouvrage peu coûteux (les dix recueils sont disponibles individuellement) à recommander pour une formation en profondeur réellement complète et solide, ou pour l'approfondissement de certains points faibles.

Henri Challan, 24 leçons d'harmonie, faciles et progressives, Eschig. En deux fascicules, livre du professeur et livre de l'élève. S'adresse aux élèves ayant terminé l'étude du traité.

Henri Challan, Mélodies instrumentales à harmoniser dans quelques styles harmoniques caractéristiques, Leduc. Cette somme d'exercices se présente sous forme de 6 fascicules (textes seuls) chacun concernant un style et deux types d'ensembles : quatuor à cordes, instruments et piano. Les réalisations sont publiées en 12 fascicules, chacune étant consacrée également à un style mais à un seul ensemble, par exemple : Debussy, quatuor à cordes. C'est donc une somme de 18 fascicules qu'il est conseillé de commander en se référant uniquement à leurs numéros. Dans l'énumération suivante, le premier numéro de chaque groupe est le fascicule des textes seuls pour un style donné (incluant quatuor à cordes ainsi qu'instruments et piano), le deuxième contient seulement les réalisations pour quatuor à cordes, le troisième contient les réalisations pour instruments et piano : Bach : 1, 2, 3. Mozart : 4, 5, 6. Schumann : 7, 8, 9. Fauré : 10, 11, 12. Debussy : 13, 14, 15. Ravel : 16, 17, 18. Publiés tardivement et après la mort de l'auteur, ces ouvrages ne figurent pas dans les extraits de catalogue habituellement reproduits en dernière page de couverture des éditions Leduc. Contrairement à l'objectif visé par l'ouvrage ci-après, il s'agit bien de textes originaux et non d'œuvres connues. Ces exercices sont donc de très haut niveau.

Yvonne Desportes, 90 leçons d'harmonie sur l'évolution harmonique du XIIIème siècle à nos jours, Eschig. En deux parties et quatre volumes. 1) 13e au 17e siècle, textes, réalisations. 2) 18e au 20e siècle, textes, réalisations. Les réalisations, en format 25 x 32 cm, sont toutes des extraits d'oeuvres diverses dont l'écriture (éventuellement orchestrale) a été pour les besoins de la cause réduite à quatre voix. Leur style est donc conservé de manière indiscutable. Les réalisations sont présentées en trois clefs d'ut et de fa. Les oeuvres étant connues, le travail de l'étudiant reste plus facilement axé sur le style, l'élément "devinette" étant réduit au minimum. Ouvrage fort remarquable et à recommander.

Théodore Dubois, Réalisations des basses et chants du traité d'harmonie, Heugel, format 18 x 26 cm, 109 pages). Travaux présentés uniquement en clefs de sol et fa.

René Duclos, Vingt-quatre textes d'harmonie, Leduc. En deux volumes, textes et réalisations présentées en clefs d'ut (format 20 x 29 cm). Basses et chants progressifs de moyenne difficulté, abordables dès la fin du traité, souvent dans le caractère de danses anciennes.

Jean Gallon, 80 exercices et thèmes d'harmonie, troisième série, Heugel. En deux volumes : livre de l'élève et livre du professeur (réalisations préparatoires et complètes présentées en clefs d'ut). Chorals, alternés, basses données et chants donnés en constituent les parties à peu près égales de cet ouvrage. Leur point commun : les travaux préparatoires concernant chaque exercice. En particulier, dans la première section des chorals, l'auteur propose sous forme de basses données un travail d'harmonisation simple et claire, sans notes étrangères, ce qui est fort utile lorsqu'on s'attaque à ce style alors qu'on est déjà habitué à une écriture développée et ornée. Ensuite, le choral lui-même est proposé sous forme de chant donné, à réaliser en "choral d'école" selon la structure de l'harmonisation préparatoire, mais sans y être trop asservi.

Olivier Messiaen, en 1929
Olivier MESSIAEN
Détail d'une photo de 1929
(domaine public)
Auteur inconnu

Olivier Messiaen, Vingt leçons d'harmonie dans le style de quelques auteurs importants de l'histoire harmonique de la musique, depuis Monteverdi jusqu'à Ravel, Leduc. Un seul volume : réalisations. Cet ouvrage assez connu n'est pourtant pas ce que son auteur a fait de mieux. Le travail de l'étudiant est un peu plus complexe que dans les 80 leçons d'Yvonne Desportes puisqu'il doit rechercher une esthétique sans avoir le support d'un texte déjà bien connu. Cependant on est en droit de douter de l'utilité de réaliser des exercices dans des styles "mi-Schumann mi-Lalo, mi-Chabrier mi-Debussy, mi-Chabrier mi-Massenet, mi-Massenet mi-Debussy, mi-Franck mi-Debussy", ou encore "un peu Schumann, un peu Fauré, un peu Albeniz" (sic!). Néanmoins, comme on peut s'y attendre, l'intérêt musical s'y trouve par ailleurs très présent.

Lien vers les Éditions ZURFLUH

Jean-Claude Raynaud, professeur au CNSM de Paris, 300 Textes et Réalisations en 16 cahiers à l'usage des classes d'écriture musicale, éditions Zurfluh. L'enseignement de l'écriture pratiqué au Conservatoire de Paris depuis de nombreuses décennies est une spécificité qui n'a pas d'équivalent à l'étranger. Les superbes textes de Jean-Claude Raynaud permettent d'aborder différents langages avec le souci de toujours faire relier les éléments du vocabulaire harmonique à la forme. Ouvrage publié sous l'égide du Centre de Recherche et d'Edition du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris. Préface de Marc-Olivier Dupin, Directeur du Conservatoire de Paris. Les cahiers et textes s'adressent à l'élève (environ 9,15 €), les réalisations au professeur (environ 12,50 €). Les 5 premiers cahiers (Textes et Réalisations) sont déjà disponibles. Aperçu sommaire (sous réserves) des objectifs de chaque cahier: 1- Accords de 3 sons et 7e de dominante. 2- Ensemble des accords et des notes étrangères (2 bis- suite). 3- Écriture en imitations. 4- Initiation à l'écriture du quatuor à cordes. 5- Chorals. 6- J.S.Bach. 7- Mozart. 8- Schubert. 9- Schuman. 10- Brahms. 11- Wagner, Wolf, R. Strauss. 12- Franck, Chausson, Duparc. 13- Fauré. 14- Debussy. 15- Ravel. 16- Divers: de Monteverdi à Messiaen. [ Merci à M. Masayuki Itakura, Eastman School of Music, Rochester NY, pour cette contribution. ]



Exemples musicaux

Les professeurs reprochent volontiers à la plupart des traités classiques de ne pas présenter d'exemples musicaux constitués d'extraits de "vraie" musique. Il y a plusieurs raisons à cela.

Bien des auteurs de traités souhaitent aborder leurs explications grammaticales du langage musical en respectant une "neutralité" esthétique. Par honnêteté intellectuelle, on évite de commencer à juger ce qui est beau, ce qui n'est pas digne d'être jugé beau, etc... Effectivement, on n'en finirait plus et on s'écarterait de la tâche objective qui consiste à cataloguer et expliquer ce qui existe. L'élève le moindrement cultivé dans le domaine de la musique classique sait toujours, instantanément, faire le lien entre une pièce qu'il connaît, peut-être même interprétée par lui, et le nouvel élément du langage harmonique expliqué par le professeur. Si c'est nécessaire, et pour que ce soit particulièrement frappant et facile à mémoriser, il vaut mieux que le professeur choisisse de donner au piano des exemples faisant partie de la musique que l'étudiant connaît déjà très bien, au moins comme mélomane averti. L'absence de connaissances générales à ce niveau resterait évidemment un handicap sérieux pour effectuer le lien entre les exercices et les œuvres.

S'il est préférable que l'étudiant connaisse déjà la musique dont le professeur se sert comme exemples, il faut donc souhaiter à ce dernier à la fois une mémoire de type "catalogue" et une rapidité de recherche de type "base de données". Il est donc pratique de recourir à des collections d'exemples écrits en quantité satisfaisante, qui auraient alourdi les traités classiques déjà volumineux et suffisamment coûteux. La confection de tels catalogues exige un travail fastidieux (du simple choix des exemples à la recherche de leurs références précises, en passant par les demandes d'autorisations de reproduire), travail probablement jugé peu utile ou peu rentable par la plupart des professeurs, à moins d'être à plein temps au service d'un établissement réservant une partie normale de la charge professorale à la recherche et à la publication. Voilà pourquoi les ouvrages en anglais proposés ci-dessous proviennent de professeurs des États-Unis, où un énorme marché de diffusion existe (ce qui permet de produire des publications spécialisées à moindre coût) et où on a compris que la recherche et les autres travaux annexes sont difficiles à mener quand on a une tâche hebdomadaire comparable à celle d'un professeur du secondaire.

Une mise en garde, cependant : bien que la consultation de ces ouvrages par l'étudiant lui-même ne peut qu'être profitable, il lui sera parfois utile d'obtenir l'avis d'un professeur à propos d'exemples qui, à première vue, pourraient sembler complexes ou même peu appropriés. C'est que la perception et l'analyse d'un même phénomène harmonique ne se présentent pas toujours avec la même évidence selon les personnes. Suggérons donc simplement à l'étudiant isolé de tirer profit lui-même de tous les exemples qui lui paraissent clairs et évidents, et au contraire de ne pas s'inquiéter outre mesure en bloquant sur quelques exemples qui pourraient lui paraître étranges. C'est parfois matière de choix personnel dans la compréhension analytique, et n'oublions pas que la vraie musique n'a pas été écrite pour être d'abord analysée.

Enfin, nombre d'exemples choisis par nos collègues universitaires anglo-saxons ne se présentent pas à quatre voix égales mais sont des réductions d'orchestre ou des extraits de littérature pianistique. Il s'ensuit parfois d'apparentes entorses aux dispositions de l'écriture à quatre parties qu'il faudra expliquer aux étudiants "inquiets". En ce sens, ces textes paraissent plus appropriés pour illustrer des cours où l'on parle de musique, que pour illustrer un savoir-faire spécifique de l'écriture à quatre parties.

Howard A. Murphy, Robert A. Melcher, Willard F. Warch, Music for study, A Source Book of Excerpts, Prentice-Hall, Inc., 205 pages. Convient particulièrement au début des études et aux étudiants plus jeunes. Couvre en détails les accords de trois sons et leurs renversements, les modulations, les sixtes augmentées, mais aussi la gamme par tons, les harmonies en quartes, la polytonalité et le dodécaphonisme. La plupart des extraits sont simples à lire ou à jouer. Il y a 289 exemples.

Robert A. Melcher and Willard F. Warch, Music for advanced Study, A Source Book of Excerpts, Prentice-Hall, Inc., 182 pages. Le complément du précédent, à un niveau plus avancé. Couvre les accords à partir de la septième diminuée, les sixtes altérées et au-delà, ainsi que treize textes complets. Un total de 177 exemples.

T. Benjamin, M. Horvit, R. Nelson, Music for Analysis, Houghton Mifflin Company, 360 pages. Ouvrage très fourni. Là encore, les exemples sont classés par éléments harmoniques.

Charles Burkhart, Anthology for Musical Analysis, Holt, Rinehart and Winston, 382 pages. Ce dernier ouvrage est composé de pièces complètes, classées par époques (baroque, classique, romantique et impressionniste, XXe siècle), mais assorties d'un index selon les accords, permettant de choisir en fonction de l'élément à illustrer.


Ouvrages de portée générale

Olivier Alain, L'harmonie, Presses Universitaires de France, 126 pages. Collection Que sais-je? nº1118. Généralités. De l'intervalle à l'accord. De l'accord à la tonalité. L'harmonie de la Renaissance. L'harmonie tonale. Saturation et dépassement. Perspectives. Contrairement à l'ouvrage suivant, l'aspect historique l'emporte sur l'aspect acoustique.

Aide-mémoire musical

Marcel Bitsch et Jean-Paul Holstein, Aide-mémoire musical, éditions Durand, série Musique pratique, format 15 x 21 cm. Beaucoup plus qu'une autre version d'un résumé de la théorie musicale, cet ouvrage touche 80 sujets à raison d'un tableau par page, ou sur deux pages, donnant une vision synthétique et très précise de l'essentiel à connaître. Les grandes sections sont : notation, rythme, mesure, gammes, modes, série, intervalles, mélodie, contrepoint, harmonie, transposition et instruments transpositeurs, voix, instruments avec leurs tessitures et leurs particularités techniques. La personne novice aussi bien que l'étudiant avancé y trouveront rapidement le renseignement cherché. Sans vouloir ôter son mérite certain à Jean-Paul Holstein, on reconnaît partout dans cet ouvrage les qualités de concision, précision et de clarté propres à ce pédagogue reconnu qu'est Marcel Bitsch. Les problèmes d'acoustique et les considérations historiques ont été volontairement tenus à l'écart.

Jacques Chailley, Expliquer l'Harmonie, Collection Histoire de la Musique, nº16, Éditions Rencontre, Lausanne, 128 pages. Ce volume retrace l'histoire des expériences et théories ayant pour objet la nature du son musical, la mesure des intervalles et les justifications physico-mathématiques de la sensation de consonance. L'auteur y montre que les noms les plus célèbres ne sont pas les seuls à avoir contribué tantôt à débrouiller le problème, tantôt à mêler les cartes. Il dénonce les errements séculaires, causes de faits mal compris à la lumière de textes qu'on ne se donne plus la peine de vérifier et dont l'enseignement contemporain conserve parfois avec sérieux des reliques désuètes mais redoutables de conséquences. Enrichi d'une recherche iconographique de grande qualité, ce volume est plus qu'un ouvrage de vulgarisation par lequel son auteur, comme souvent au cours de son enseignement, démystifie "la lanternéité des vessies". Il s'adresse aussi bien au musicien curieux qu'au pédagogue qui mésestime la connaissance de l'acoustique.
( M.B., paru dans le Bulletin de bibliographie, Montréal, 1971. )


L'oreille musicienne
Claude-Henri Chouard. L'OREILLE MUSICIENNE : les chemins de la musique de l'oreille au cerveau. Edit.Gallimard. 347 pages.
Claude-Henri Chouard, L'OREILLE MUSICIENNE : les chemins de la musique de l'oreille au cerveau. Edit.Gallimard. 347 pages.

Claude-Henri Chouard, ancien Chef du Service d'Oto-Rhino-Laryngologie de l'Hôpital Saint-Antoine, Membre de l'Académie nationale de médecine, fait appel aux techniques musicales, au savoir de la médecine, et aux récentes découvertes de la biologie pour démontrer ce qui différencie la musique, de la parole ou des bruits; il décrit les voies particulières que la musique emprunte, de l'entrée dans l'oreille jusqu'à son arrivée au conscient des circonvolutions cérébrales.

Ce livre, dont l'expression est claire et simple, débute par une série d'entretiens avec un chef d'orchestre, un compositeur, un professeur de chant, un musicien, tous connus, qui confirment de leur expérience d'artiste les faits anatomiques et physiologiques observés par les chercheurs. Voici finalement la nature physique de la musique et du chant bien résumée, et leur parcours du tympan au cerveau minutieusement relaté. C'est dans l'oreille, quelles que soient les influences culturelles, que la prédilection ancestrale pour l'octave et la quinte trouve son origine au cœur même des mécanismes mis en jeu dans la discrimination de la hauteur et de l'intensité des fréquences sonores. Nous apprenons ensuite que ces sonorités sont largement influencées par une quantité d'autres sensations qui parviennent aux centres nerveux, et qu'elles agissent aussi presque à notre insu sur tous les centres cérébraux, notamment la mémoire, l'affectivité, le comportement, avant d'être perçues par la conscience. On découvre aussi que le cerveau est capable de commander l'oreille, comme il fait mouvoir nos muscles, pour la protéger des sons nocifs ou inutiles, ou lui ordonner d'affiner son effort de reconnaissance d'un son au milieu d'un bruit ambiant.

De plus, on apprend qu'être droitier ou gaucher, homme ou femme, musicien ou seulement mélomane, voire amusique, peut avoir une influence sur l'oreille musicienne. On s'intéresse de même aux aptitudes musicales du fœtus et du nouveau né, et on découvre qu'il semble bien exister dans le cerveau du nouveau né des réseaux neuronaux pré programmés dévolus à l'écoute de la musique. Ce livre démontre que l'écoute et l'expression musicale sont une fonction propre à l'homme, au même titre que la parole. La musique lui est tout aussi indispensable, même si son organisation cérébrale s'en différencie nettement. Ainsi s'éclaire la part prépondérante que la musique prend dans le quotidien de notre civilisation : loin d'être un phénomène culturel, que faciliterait le développement technologique, la musique est l'expression d'un besoin physiologique, dont l'humanité commence aujourd'hui seulement à prendre conscience, ce qui est un fait tout à fait nouveau.