C o u r s .. d ' h a r m o n i e par Michel Baron |
Le postulat politiquement correct selon lequel l'harmonie serait une discipline servant à développer l'audition de base est à peu près aussi peu sérieux que de considérer les études de médecine comme un préalable pour assimiler les cours de biologie du secondaire
Il est de bon ton également, surtout dans les universités américaines, de limiter l'harmonie à un outil indispensable pour le cours d'analyse. Ailleurs, des mandarins affirment que la Musique ne reviendra plus à la conception de l'oeuvre "écrite". Cette affirmation n'est probablement valable que pour un petit secteur artistique orienté vers la jouissance de quelques dizaines de créateurs subventionnés. En réalité, toute la musique commerciale que nous subissons (par exemple les plus mauvaises publicités) ainsi que toute la musique que la plupart des gens apprécient (par exemple les meilleures musiques de films) sont toujours écrites selon les principes de base de l'écriture classique, quelles qu'en soient les variantes et les évolutions. Même dans le domaine artistique "sérieux", bien des créateurs connaissant leur métier, finalement joués beaucoup plus régulièrement que certains mandarins dont la mode passe vite, continuent d'utiliser la forme écrite. Il n'y a donc pas d'anachronisme aujourd'hui à étudier l'harmonie classique à fond, en tant que début d'apprentissage de l'écriture musicale, concept qui a beaucoup plus d'utilité et d'avenir social que la course aux langages personnels : aujourd'hui tout se passe comme si aucun créateur ne pouvait plus se permettre d'avoir le même langage musical que son voisin et devait se trouver, d'abord, « un son bien à lui » pour jouir d'un bon statut professionnel. On sait bien que beaucoup de ces avenues ont surtout réussi à éloigner de la musique, qu'on disait "sérieuse", le public qu'elle avait pourtant su conserver à travers ses grandes évolutions de la première moitié du siècle : quand Ravel a créé son "Boléro", on entendait parfois les gens siffloter le thème dans la rue1. Avez-vous entendu quelqu'un siffler ne serait-ce que du Boulez ou du Stockhausen dans le métro? Ah bon, c'est seulement parce que ce serait plus difficile?
Trente ans d'expérience dans l'enseignement de l'harmonie, à tous les niveaux, m'autorisent à décrire ici quelques situations maintes fois vérifiées.
Le préalable principal pour aborder l'harmonie est d'avoir une bonne représentation mentale des accords de trois et quatre sons (les entendre, reconnaître les noms des notes qui les composent, comme par exemple dans la dictée à trois voix). L'étudiant doit être tout à fait à l'aise dans ce domaine, car le cours d'harmonie lui demandera, en plus, d'apprendre à imaginer, à choisir tel ou tel accord (ou tel degré, telle fonction).
L'étudiant qui n'a pas l'audition verticale préparée avant le cours d'harmonie progresse habituellement lentement. Plus grave que sa lenteur : il supplée à son retard auditif au moyen de systèmes de raisonnements logiques, intellectuels. Ces béquilles, bien que fonctionnant tant bien que mal au début, ne mènent pas loin : immanquablement, dès que son raisonnement, même intéressant, le mène à plusieurs possibilités logiques mais dont malheureusement les trois quarts sont laides (étude des modulations par exemple) l'étudiant plafonne et se découvre sans dons proprement musicaux pour progresser, perd une année, a une fausse expérience du cours ou abandonne.
En d'autres termes, la plupart des fautes répétitives et apparemment non corrigibles, chez les étudiants, proviennent du fait qu'il est bien plus difficile de reconnaître ou réutiliser un concept mémorisé intellectuellement que de retrouver auditivement la même chose en tant qu'événement sonore connu, rencontré mille fois dans la vie musicale de tous les jours. En caricaturant, l'étudiant intellectuel mais non développé au plan auditif ne sait pas reconnaître ou retrouver cette image au moment où il en aurait besoin pour harmoniser (son esprit ne peut pas fonctionner comme une machine, et même s'il le pouvait, quelle belle vie d'artiste !) : il tâtonne en aveugle... Au contraire, l'étudiant ne se posant pas trop de problèmes intellectuels, mais intuitif et bien-entendant, retiendra sans effort, avec son oreille, les règles générales, les cas particuliers, etc., d'après des clichés auditifs bien connus et progressera au moins trois fois plus vite. Et ce n'est que justice !
En effet, l'objectif des études d'écriture est de manipuler des sons, des sensations, des désirs de sensations sonores, des choix en fonction de critères esthétiques auxquels nous attribuons un sens musical, conséquence de notre culture commune de musique occidentale. La logique, le raisonnement, bien que sous-jacents (on peut analyser tout et n'importe quoi) ne sont les créateurs premiers dans aucun acte musical et ne vous aideront que sur le plan de la construction formelle, qui est d'ailleurs rarement complexe au premier niveau, à plus forte raison dans de brefs exercices. En définitive, tout ce qui sera discuté au cours d'harmonie doit correspondre, dans votre mental, à une représentation sonore bien claire, faute de quoi vous vous sentirez exactement comme des aveugles dans une école de peinture, pressant sur des tubes de couleur dont les étiquettes seraient effacées. Quelle école d'arts visuels accepterait de tels élèves ? Il devrait en être de même en musique, mais il se trouve qu'en audition on peut feindre quelque temps.
Le contenu de ce cours représente l'essentiel de ce qu'on doit connaître sans hésitation, d'autant plus que les règles qu'on y rencontrera expriment le bon sens et la recherche d'un bon équilibre sonore. Pour une réponse rapide et plus détaillée sur un sujet plus rare ou plus complexe, consultez le récent Précis d'harmonie tonale de Marcel Bitsch. En ce qui concerne des choix d'exercices spécifiques, la série progressive des 380 basses et chants donnés d'Henri Challan est incomparable. Pour des travaux plus avancés et l'étude des styles, consultez la bibliographie ou référez vous à un professeur.
Tessitures des voix
Le cours d'harmonie est un apprentissage pratique à l'écriture polyphonique, à quatre parties. Il faut s'habituer à écrire pour quatuor vocal, car la voix humaine est l'"instrument" qui a la tessiture la plus restreinte. Il n'y aura aucun problème plus tard à élargir les limites permises pour qu'elles correspondent à d'autres instruments. Il serait plus difficile de s'habituer d'abord à des tessitures très étendues et de réapprendre ensuite les contraintes des tessitures étroites. Voici les quatre voix et les limites de leurs tessitures usuelles (voix de bons choristes amateurs, et non solistes professionnels):
Il ne faut utiliser les notes en noires que très exceptionnellement. À gauche : les sons réels en clés de sol et fa. On voit que la partie de ténor, écrite en sons réels, devrait sans cesse changer de clé. À droite : les clés d'ut, en sons réels, utilisent la plupart du temps un minimum de lignes supplémentaires.
Il se peut que vous constatiez de légères différences selon les traités. Le bon sens est de rigueur : il vaut mieux utiliser les notes extrêmes avec prudence, avec les nuances appropriées et sans attaquer un début de phrase sur les notes supérieures.
Pour vous aider à mémoriser ce tableau, remarquez que, respectivement, les voix de basse et d'alto, ainsi que les voix de ténor et de soprano, ont leurs tessitures à distance d'octave.
Comment écrire?
Les clés d'ut : traditionnellement, toutes les études poussées d'écriture se font en trois clés d'ut (ut première, ut troisième et ut quatrième) et une clé de fa, comme ci-dessus à droite.
Avantages :
Inconvénients :
Consommation de papier.
L'écriture vocale moderne en trois clés de sol et clé de fa.
Avantages :
Pratique courante
de la publication de la musique chorale moderne.
Une portée par voix, même clarté qu'en clés d'ut.
Inconvénients :
Nécessité d'employer
quelques lignes supplémentaires à l'alto (inconvénient négligeable).
Le ténor n'est pas écrit
en sons réels, mais sonne une octave plus bas que le son écrit. D'où
croisements apparents, les rapports d'intervalles vrais n'étant pas visuels!
Nécessite une accoutumance à cette clé de sol particulière qu'on complète
parfois d'un petit 8 (octava bassa).
Consomme autant de papier.
L'écriture en système de portées pour piano
Avantages :
Économie de papier.
Plus facile à lire.
Inconvénients :
Difficile d'écrire
proprement, à un niveau un peu avancé, dès que les voix acquièrent une
personnalité et une relative indépendance.
À cause de l'aspect visuel
compact, n'incite pas à développer une écriture avancée.
Règles mélodiques
Les règles mélodiques concernent le mouvement d'une seule voix (n'importe laquelle, mais une seule à la fois, sans considérer les autres).
Intervalles mélodiques permis
On peut employer au début des études tous les intervalles mineurs, majeurs et justes compris entre la seconde et la sixte mineure incluses, ainsi que le saut d'octave. On peut tolérer à l'occasion la sixte majeure.
Mouvement mélodique obligé:
La sensible (seulement quand elle est la tierce de l'accord de dominante) doit aller à la tonique, à moins que l'accord suivant n'utilise pas la tonique, ou à moins que la voix immédiatement supérieure fasse entendre la tonique à la hauteur où on l'attend. (Cette tolérance est parfois acceptée seulement lorsqu'il s'agit des deux voix supérieures.)
Intervalles à éviter impérativement
Au début des études, il faut éviter à tout prix les sauts de septièmes et les intervalles augmentés ou diminués, qui deviennent vite un tic, et surtout qui empêchent radicalement la découverte de meilleures réalisations qui représentent la vraie ossature de la future écriture.
Note: à partir des septièmes de dominante, on pourra avoir un usage musical de tous les intervalles mélodiques diminués, suivis d'un mouvement de sens contraire. Au début des études, il vaut mieux éviter la seconde augmentée du mode mineur, même lorsqu'elle est suivie de la tonique.
Précautions:
La septième et la neuvième parcourues en 3 notes doivent comporter un mouvement conjoint.
La quarte augmentée (triton) en 3 notes doit être suivie d'un demi-ton de même sens.
Le saut d'octave se présente normalement dans le sens inverse de la ligne mélodique qui l'amène. On le quitte selon le même principe, en retournant vers l'intérieur.
Les règles harmoniques concernent les écarts qui se produisent (et se modifient à chaque accord) entre deux voix. N'importe quelle paire de voix parmi les quatre.
Croisements et unissons
Au début des études, il n'y a aucune raison d'effectuer des croisements entre les voix: on les utilise selon leur ordre normal de superposition. On peut utiliser l'unisson si on ne peut l'éviter ou si on a une bonne raison de le faire, à cause du contexte.
Écartement entre les voix
Il y a de nombreuses manières d'espacer les 4 voix entre elles. En voici quelques unes, commentées aux numéros correspondants :
Des intervalles à peu près égaux entre les différentes parties. On appelle cela position de quatuor. C'est une position idéale, qui sonne très bien.
On peut au contraire isoler la basse et serrer les 3 parties supérieures. On appelle parfois cette disposition la position de piano (la basse pour la main gauche, le reste pour la main droite).
On ne doit pas dépasser l'octave entre chacune des 3 parties supérieures et sa voisine (mais c'est permis entre basse et ténor).
Une position particulière: si on atteint l'octave entre les deux parties intermédiaires, les deux voix inférieures doivent former un intervalle ne dépassant pas la tierce, faute de quoi l'accord sonnera creux. Cette position particulière est à retenir: les étudiants la craignent, alors qu'elle ne sonne pas si mal (se rappeler les cours de dictée à quatre parties et toutes les erreurs diverses que cette disposition générait, riche en harmoniques).
Un rappel nécessaire : on peut écarter jusqu'à l'octave les deux voix supérieures. On verra plus tard qu'on peut même, exceptionnellement, dépasser brièvement l'octave si l'équilibre des mouvements mélodiques le justifie.
Remarquez et adoptez soigneusement la convention d'écriture concernant le sens des hampes et la disposition des liaisons.
Mouvements harmoniques
Ce sont les mouvements que font chaque paire de voix. Il y en a quatre sortes:
Mouvement parallèle: les deux voix montent ou descendent ensemble, conservant un même intervalle. Fréquent en tierces ou en sixtes (ou leurs redoublements).
Le mouvement parallèle est absolument interdit dans deux cas:
Octaves consécutives
(différentes) par mouvement parallèle. Même remarque pour deux unissons
consécutifs.
Quintes consécutives (différentes) par mouvement parallèle.
Ces mouvements ont été jugés respectivement trop plats et trop durs, de la renaissance aux post-romantiques, qui ne les emploient (à 4 voix) que très exceptionnellement.
Mouvement contraire: une partie monte, l'autre descend, ou l'inverse. C'est un mouvement extrêmement fréquent, bien équilibré. Il ne présente pas d'inconvénients. L'exemple suivant montre deux paires de voix parallèles qui, par paires, évoluent en mouvement contraire:
Les seules fautes qu'il peut générer, quasiment par malchance, sont:
Octaves consécutives
par mouvement contraire.
Succession octave-unisson ou l'inverse.
Quintes consécutives par mouvement contraire.
Mêmes raisons que précédemment.
Note: on dit aussi en manière de raccourci "octaves consécutives, quintes consécutives" puisque l'interdiction est valable aussi bien pour les quintes ou octaves parallèles que pour les quintes ou octaves consécutives par mouvement contraire.
Mouvement oblique: une partie reste en place, l'autre s'en écarte ou s'en rapproche. Rien à signaler, sauf au moment d'un unisson: il n'est pas élégant d'y arriver par mouvement conjoint de la voix qui bouge. Au contraire, il est intéressant de quitter l'unisson par mouvement oblique.
Mouvement direct: les deux parties montent ou descendent ensemble, mais en se rapprochant ou s'écartant un peu. Imaginez un mouvement parallèle qui ne serait pas tout à fait parallèle...
Le mouvement direct fait ressortir les quintes et les octaves qu'il amène. Lorsqu'on écrit un mouvement direct aboutissant à une quinte ou à une octave (ou leur redoublement), il faut satisfaire aux conditions suivantes, destinées tout simplement à limiter l'effet de mouvement direct.
Quinte ou octave directe entre les voix extrêmes:
La voix du haut (en principe le soprano) doit être conjointe.
Quinte ou octave directe dans n'importe quelle autre paire de voix (on dit: entre des parties quelconques):
L'une des deux voix doit être conjointe (idéalement celle du dessus).
À défaut de l'une des conditions ci-dessus, la note de l'octave ou l'une des notes de la quinte doit être entendue dans l'accord précédent (pas nécessairement à la même hauteur).
Unisson direct:
Toujours interdit, y compris en contrepoint et en fugue...
Note: les règles précédentes
sont une simplification récente d'anciennes pratiques pédagogiques particulièrement
intimidantes et démoralisantes. Pour plus de détails, les plus curieux peuvent
demander des règles plus détaillées. Voir mon Précis pratique d'harmonie
page 15, le
" On n'apprend rien quand on veut tout apprendre à la fois. " Cette affirmation est de George Sand, pourtant réputée pour ne pas avoir été une femme conservatrice... Un cours d'écriture destiné à atteindre des objectifs concrets et pratiques doit procéder du plus simple au plus complexe. Jusqu'à ce que toutes les règles de base soient bien assimilées on se limitera, pour commencer, à l'accord parfait de quinte (juste) en position fondamentale (chiffré 5, parfois 3).
Cependant, lorsque les exercices sont construits uniquement sur l'accord de quinte on ne répète pas inutilement le chiffrage sous chaque accord, mais uniquement dans les cas particuliers :
Chiffrages
En mineur, pour indiquer la présence de l'altération de la sensible dans l'accord du Ve degré, ou de manière générale pour indiquer que la tierce doit être altérée autrement que selon l'armature, on a coutume de chiffrer simplement avec un dièse ou un bécarre (le 3 est sous-entendu). Le chiffre 3, seul, signifie que l'auteur suggère de supprimer la quinte : dans ce cas on triple la fondamentale, bien qu'il ne soit pas interdit de doubler la tierce si elle n'est pas sensible.
Les cadences
Une bonne manière de se familiariser avec les enchaînements d'accords est de les observer dans les cadences. Les cadences sont des enchaînements de degrés (ou : fonctions harmoniques) bien spécifiques, qui ponctuent la phrase musicale de manière plus ou moins suspensive ou conclusive.
Les définitions qui suivent sont en vigueur dans toutes les institutions musicales sérieuses et sont bien entendu conformes aux ouvrages théoriques de Jacques Chailley, Henri Challan, Yvonne Desportes, et bien d'autres. Quelques rares cours ou manuels isolés propagent des confusions très regrettables sans citer de références.
Demi-cadence
Autres appellations :
repos à la dominante, arrivée sur la dominante.
Description : Ve degré en évidence,
à l'état fondamental. Caractère suspensif.
Précédée de : le plus souvent IV ou II, état
fondamental ou premier renversement. Parfois précédée de VI, ou même de
I.
Cadence parfaite
Description :
succession V - I à l'état
fondamental. Caractère conclusif. Il n'est pas nécessaire que la succession
sensible-tonique soit au soprano (les cadences sont des fonctions harmoniques,
et non mélodiques) encore que cela renforce le caractère conclusif.
Précédée de : le plus souvent IV
ou II, état fondamental ou premier renversement. Parfois précédée de VI,
rarement III. Enfin, le degré I n'est pas impossible, mais peu adroit.
On remarquera que, conséquence du choix du soprano, le dernier accord ci-dessus à droite est incomplet. Retenons qu'en principe on préfère supprimer la quinte que de supprimer la tierce (d'ailleurs, cette considération sera une règle dans le cas des accords de septième et de neuvième).
Cadence rompue
Description :
succession V - VI à l'état
fondamental. Caractère suspensif. Aucun soprano obligé, bien que sensible-tonique
soit du meilleur effet.
Précédée de : comme la demi-cadence
et la cadence parfaite.
Cadence plagale
Autre
appellation : cadence
d'église (comme sur un Amen). Son nom est une allusion aux anciens
modes plagaux.
Description : succession IV - I à l'état fondamental.
Caractère très conclusif.
Précédée de : le plus souvent VI
(état fondamental) ou I (état fondamental ou sixte). Succède volontiers
à la cadence rompue ou à la cadence parfaite, renforçant son caractère conclusif.
Pour mémoire seulement, ces cadences n'ayant pas un caractère franc de ponctuation :
Cadences imparfaites
Toutes les cadences peuvent être qualifiées d'imparfaites lorsqu'au moins
un des accords n'est pas à l'état fondamental. Elles perdent alors presque
totalement leur efficacité de ponctuation.
Description :
l'appellation "cadence imparfaite" désigne le plus souvent
la succession V - I (fonctions de la cadence parfaite) mais avec au moins
l'un des deux accords à l'état de renversement. Caractère affirmatif mais
pas de véritable rôle de ponctuation. Pour cette raison, dans le
cadre du discours musical elle ne mérite pas réellement la classification
de "cadence".
Précédée de : rien de systématique.
S'utilise comme un élément ordinaire du discours.
Cadence évitée
Description :
construite comme une cadence parfaite, mais le Ier
degré devient à son tour 7e de dominante (pour moduler à la sous-dominante).
Certains auteurs la décrivent comme la succession d'une demi-cadence et
d'un accord modulant (beaucoup d'éventualités peuvent se présenter). Caractère
rappelant l'effet de la cadence rompue, mais modulatoire.
Précédée de : rien de systématique.
Plutôt qu'une cadence à fonction de ponctuation, on peut la considérer comme
une manière de moduler, parmi bien d'autres, en quittant la tonalité par
son Ve degré.
Les premières basses données
Les exercices préliminaires porteront sur les principales sortes de cadences.
Dès que les exercices seront plus longs, il pourra être utile de chiffrer (en chiffres romains) les degrés sous chaque note de basse. Mais on peut aussi se limiter aux degrés les plus importants: la dominante (V) qui comporte la sensible à mouvement obligé, la cadence rompue (V-VI).
La technique de base
Lors de vos premiers pas, vous allez avoir l'impression d'être "programmé(e)s". C'est provisoire. Ce qui suit est destiné à vous éviter de perdre un temps précieux et correspond simplement à mettre un pied devant l'autre avant d'apprendre à danser:
1) Repérer les notes communes dans chaque enchaînement de 2 accords. Il peut se présenter trois cas:
La basse fait un intervalle de tierce ou de sixte : 2 notes communes entre les deux accords.
La
basse fait un intervalle de 4te ou de 5te :
1 note commune.
Dans les deux cas précédents, laissez la note commune (plus rarement les deux notes communes) dans la même voix. Écrivez les autres voix ensuite, en cherchant les plus petits mouvements possibles.
La
basse fait un intervalle de seconde : aucune note commune.
Dans ce cas, faites évoluer les 3 voix supérieures par mouvement contraire de la basse, tout en recherchant les plus petits intervalles possibles.
2) Effectuez la doublure de la fondamentale, qui est la doublure habituelle des accords de 3 sons à l'état fondamental. Souvent, c'est déjà fait lors de la démarche précédente.
3) Écrivez le reste, en recherchant les intervalles les plus discrets possibles.
Note: c'est seulement lorsqu'on s'écarte de cette technique de base qu'il y a lieu de se préoccuper des règles de quintes et octaves parallèles ou des quintes et octaves directes! Lorsque vous aurez acquis rapidité et réflexes, vous pourrez vous écarter de cette technique de base pour rechercher un soprano plus expressif (et un peu moins conjoint).
Doublures inhabituelles
Ce n'est pas une faute de faire une doublure inhabituelle, mais il faut en être conscient, avoir une raison particulière et surveiller doublement le contexte, car cela peut générer des fautes.
Cependant, on est presque toujours obligé de respecter certaines doublures moins habituelles:
Enchaînement V-VI (cadence rompue) : on est presque toujours obligé de doubler la tierce dans l'accord du VIe degré, et évidemment la voix effectuant le mouvement sensible-tonique n'est pas en sens contraire de la basse!
De manière générale, il est souvent meilleur de doubler la tierce dans les accords des VIe et IIIe degrés : il s'agit justement de notes importantes dans la tonalité, respectivement la tonique et la dominante, qu'il est bon de renforcer.
Exercice préliminaire
Réalisez le ténor et l'alto manquants dans la succession de cadences ci-dessous. Pour vous aider, référez vous aux exemples de dispositions de cadences, dans les pages précédentes.
On appelle marche harmonique une succession d'enchaînements se reproduisant plusieurs fois avec chaque fois un décalage d'un ou plusieurs degrés dans l'échelle tonale. Voici un exemple d'une marche harmonique, très simple, mais très importante à connaître et mettre en oeuvre lorsque c'est nécessaire. Chaque élément n'est composé que de deux accords:
Observations :
Accessoirement, on remarquera que dans ce texte en do les quintes directes entre parties extrêmes aboutissent naturellement par demi-ton au soprano sur les accords des IIIe et VIe degrés, et par ton entier sur ceux des Ier et Ve degrés, ce qui justifie grandement la simplification des règles telles que plusieurs pédagogues les enseignent aujourd'hui.
Les marches harmoniques peuvent être non modulantes ou modulantes. C'est au cours de l'étude des modulations qu'on en rencontrera des exemples complexes. Il ne faut pas négliger leur étude et, en règle générale, lorsqu'on décèle une marche dans un exercice, basse ou chant, il faut la traiter comme telle avec la meilleure réalisation possible. Y renoncer signifierait trouver deux ou plusieurs solutions toutes aussi bonnes pour harmoniser chaque élément de la marche, ce qui d'une part est irréaliste, d'autre part nuit à l'unité de l'exercice.
Suppression de la quinte
Il peut arriver qu'on soit obligé de supprimer la quinte d'un accord, plutôt que la tierce, si on ne parvient pas à écrire l'accord complet. Dans ce cas, le chiffrage convenu de l'accord est: 3. Cela se présente parfois lors de cadences parfaites, quand le soprano termine en descendant conjointement sur la tonique (voir le dernier exemple des cadences parfaites).
Les premiers chants donnés
Méthode générale
1) Prendre tout le temps nécessaire pour lire, solfier et chanter le chant donné, avant de commencer à se poser des questions à son sujet. Cette prise de contact est un défrichage important et peut vous faire découvrir sans effort des choix de construction décisifs. Cela peut représenter le tiers du travail.
2) Recherche des cadences
Le chant donné comporte souvent vers son milieu un arrêt suspensif, ou repos à la dominante (demi-cadence). Il se termine probablement par une cadence parfaite préparée par les degrés IV, II ou VI. La cadence plagale peut succéder à la cadence parfaite, ou peut parfois conclure seule le texte donné. Commencer par déterminer la construction en plaçant les bonnes fonctions de basse à ces endroits-clés.
3) Bien amener les cadences
Le stade suivant, le plus sûr, est souvent de prendre les décisions pour les quelques notes qui précèdent immédiatement les cadences. Lorsqu'il y a plusieurs choix, prenez-les en note car une solution semblant un second choix maintenant pourra s'avérer un meilleur choix après avoir construit le reste.
Dans le mode mineur, se rappeler que la note sensible ne peut être harmonisée que par l'accord du Ve degré (en majeur, le IIIe degré peut être une option).
4) Bien affirmer la tonalité
Ensuite on peut travailler le début. Ne pas craindre d'employer souvent les accords parfaits placés sur les notes tonales (I, IV, V) qui contribuent à bien définir la tonalité. Si on constate une trop grande tendance à employer V-I, garder en mémoire que la cadence rompue (V-VI) remplace souvent avantageusement la cadence parfaite dans le courant du discours.
5) Le restant du travail
C'est presque toujours cette partie qui est la moins évidente. C'est souvent là où l'on peut rencontrer diverses possibilités d'harmonisation à peu près aussi convenables les unes que les autres.
Accords à éviter
C'est l'instinct musical qui doit être le premier guide pour choisir les bons accords, et non le raisonnement, qui ne mènera strictement à rien dès que les textes se développeront en musicalité mais aussi en complexité.
Pour le moment, il est prématuré d'utiliser le VIIe degré (accord de quinte diminuée) dans les deux modes. C'est en fait une fonction de septième de dominante sans fondamentale.
En mineur, le IIIe degré est augmenté et impropre à des exercices simples d'harmonie classique.
Les puristes pourront consulter aussi le chapitre Modulations et fausses relations, au sous-titre "fausse relation de triton".
Les étudiants qui seraient étonnés de faire, en mode mineur, des gaucheries répétitives telles que l'emploi d'accords diminués ou augmentés, ou des mouvements mélodiques en rafales de secondes augmentées moyen-orientales, démontrent deux choses :
Ils n'ont pas la capacité d'entendre ce qu'ils écrivent et de plus ne font pas l'effort de se développer dans ce sens. Ils font chaque fois la découverte auditive de leurs tâtonnements et s'empressent d'y accoler leur jugement musical, mais ce n'est pas un bagage suffisant pour se lancer immédiatement dans la composition électroacoustique.
Ils refont la preuve que connaître intellectuellement une liste de règles ne sert à rien si l'audition n'est pas le premier garde-fou. Aucune musique intéressante n'a été écrite en vérifiant intellectuellement à chaque nouvelle mesure un catalogue complet de règles ou même un catalogue de "possibilités correctes".
Enchaînements fréquents
Ne pas trop craindre les répétitions, ou quelques lourdeurs, au tout début des études. Nous n'avons pour le moment qu'une seule sorte de brique pour bâtir un mur: un seul accord, et en position fondamentale ! Si vous trouvez anormal de ne pas déjà écrire comme Mozart après trois semaines de cours, revenez vite sur terre : il vous reste quelques petites découvertes à faire.
Les degrés portés par les notes tonales (parfois appelés degrés forts ou bons degrés) s'enchaînent volontiers entre eux.
Les degrés correspondant aux notes modales III et VI (parfois appelés degrés faibles) s'enchaînent également bien entre eux.
Les étudiants imbibés de musique commerciale se montrent très friands de l'enchaînement V-IV, qui devient un tic. Notez que ces deux accords consécutifs ne débouchent bien, en général, que sur I (cadence plagale) ou sur un retour rapide à V, après une excursion optionnelle vers II ou VI. Notez aussi qu'après V, on oublie trop souvent d'envisager la possibilité de VI (cadence rompue), moins lourd que I (cadence parfaite).
Désormais, prendre garde de ne pas confondre les termes : basse et fondamentale. L'accord de sixte est le premier renversement de l'accord de trois sons. En d'autres termes, la basse de l'accord de sixte est la tierce du même accord qui serait en position fondamentale.
Chiffrage
La seule position à éviter autant que possible, et c'est une règle générale, est de placer une octave entre les deux voix intermédiaires alors que la basse et le ténor seraient à une distance plus grande que la tierce (exemple de droite).
Un complément au chiffrage : le trait
Lorsque plusieurs temps consécutifs sont harmonisés par la même fonction harmonique (c'est à dire le même accord, les mêmes notes) mais avec des changements de position ou de renversement, on a coutume de ne chiffrer qu'une seule fois fois et de sous-entendre les chiffrages des autres temps par un trait. L'avantage est qu'on peut repérer d'un coup d'œil qu'il n'y a qu'une seule harmonie pendant toute la durée du trait. Par conséquent :
Pendant la durée du trait, ce sont les notes représentées par le chiffrage qui continuent d'être utilisées. Seule leur position (disposition des voix, choix des doublures) peut être modifiée au gré du réalisateur. L'éventuel changement de renversement, lui, est déterminé par l'éventuel mouvement de la basse :
Pendant la durée d'un accord,
si la basse reste en place pendant le trait, le renversement est inchangé.
Pendant l'accord, si la basse monte ou descend par tierce pendant le trait,
l'accord change de renversement.
Emploi de l'accord de sixte
L'accord de sixte a la même signification harmonique que l'accord correspondant en position fondamentale (une tierce plus bas). Cependant, son caractère est moins affirmatif.
Doublure de la basse à éviter
On ne supprime pas de note dans l'accord de sixte et de manière habituelle on évite de doubler la basse, ce qui la renforcerait exagérément et créerait une lourdeur (c'est après tout la tierce de l'accord parfait).
Par contre, on peut tolérer cette doublure occasionnellement au cours d'un changement de position ou d'état, lorsqu'une des deux notes doublées est déjà en place (les traités disent aussi: si la doublure n'est pas attaquée).
Doublure recommandée de la basse
Le renforcement de la basse par une doublure est tout à fait souhaitable dans les cas suivants:
Lorsqu'il s'agit d'une note tonale (le plus souvent IV ou V) et surtout dans l'enchaînement II6-V qui amène souvent une cadence. La meilleure position de la doublure est le plus souvent au ténor.
Lorsque la doublure
est causée par des mouvements contraires et conjoints, pour l'intérêt
des lignes mélodiques.
Observez les accords de sixte dans les deux exemples suivants et déterminez pour lesquelles des raisons précédentes leurs basses ont été doublées.
La sixte napolitaine
C'est, dans le mode mineur, l'accord II6 amenant le Ve degré, mais dont la note de sixte (en fait, la deuxième note de la gamme) est abaissée d'un demi-ton chromatique. Cet effet musical employé par l'école de Naples (Renaissance italienne) a été emprunté par la musique tonale de toutes les époques suivantes.
Sa caractéristique consiste principalement à mettre en valeur l'intervalle dramatique de tierce diminuée entre sa sixte et la sensible de l'accord de dominante. (Note: ou encore une succession de deux demi-tons si on intercale un accord de quinte ou de quarte et sixte d'appoggiature.)
Dans la sixte napolitaine, on doit doubler la basse comme dans tout accord II6, car la note de sixte a un caractère descendant.
Note: lorsqu'on utilisera les 7e de dominante, on rencontrera un cas où il n'est pas maladroit de doubler la sixte, à condition que la basse reste en place et se dirige vers un accord de triton. Voir à ce sujet la page des modulations, sous-titres des Fausses relations et en particulier: "sixte napolitaine".
Conseils pour les basses données
Au début des études, on gagnera un temps précieux en se rappelant que la différence principale entre les accords 5 et 6 réside justement dans la note qui leur est propre et que symbolisent les chiffrages. Dans la plupart des cas, le meilleur choix est de placer la sixte au soprano, et lorsqu'on ne fait pas ce choix il faut au moins l'avoir soigneusement examiné car une ligne évidente en découle très souvent.
La meilleure position dans l'accord II6 amenant le Ve degré est presque toujours de laisser la sixte au soprano et de doubler la basse au ténor, souvent à la suite d'un intervalle ascendant.
Conseils pour les chants donnés
On a une basse à déterminer, à choisir entre les deux renversements possibles de l'accord qu'on aura imaginé sous le chant.
Au début des études, on peut se fier aux principes élémentaires suivants:
Quand le soprano est la tierce de l'accord entendu (imaginé), il vaut mieux mettre l'accord en position fondamentale.
Quand le soprano est la quinte ou la fondamentale de l'accord entendu, il est souvent plus adroit de choisir le premier renversement.
Emplois fréquents
Ne pas oublier que la basse de l'accord de sixte est souvent placée sur le VIIe degré (sur la sensible). Cependant, le caractère de l'accord est moins affirmatif que l'accord correspondant de quinte du Ve degré.
On la rencontre aussi sur les degrés III, IV et VI. Ces accords de sixte ont en fait les fonctions identiques aux accords de quinte des degrés I, II et IV. Remarquer que le IIe degré dans le mode mineur (accord diminué) perd son caractère geignant dès qu'il est employé sous forme de sixte (II6).
On rencontre rarement la basse de l'accord de sixte sur la tonique. Le plus souvent, cet accord de sixte succède à l'accord de quinte du Ier degré.
Occasionnellement, on peut rencontrer un accord de sixte dont la basse serait placée sur la dominante:
Au cours d'une suite conjointe d'accords de sixte (parallèles).
En tant que "faux accord de sixte", dans lequel la note de sixte est en fait une appoggiature de la quinte dans l'accord de dominante (voir exemple au paragraphe concernant les doublures recommandées à la basse).
Nouvelles précautions suite à l'emploi des renversements
Syncope d'harmonie
En principe, on ne prolonge pas sur un temps fort (en particulier sur un premier temps de mesure) une harmonie attaquée sur un temps faible, même lorsqu'il s'agit d'un seul accord présenté dans des renversements différents. On risque d'affaiblir la sensation de temps fort. Cette pratique pourra plus tard se présenter sans trop de gaucherie, par exemple lorsque les lignes musicales seront d'un bon intérêt contrapuntique.
Quintes ou octaves consécutives
Un ou des changements de renversement ou de position à l'intérieur d'un même accord ne dissimulent pas les fautes de quintes ou d'octaves consécutives entre une harmonie et la suivante: il faudrait qu'une autre harmonie (un troisième accord différent "isolant" les deux autres) soit entendue entre celle qui fait entendre la première quinte ou octave et celle qui fait entendre la seconde.
Exemple 1 : il y a trois fautes. Les quintes ou octaves marquées en deuxième mesure sont incorrectes, car elles se produisent au cours de deux harmonies consécutives. Même si elles se produisent sur temps faible en deuxième mesure, et même si dans une écriture plus complexe, plus tard, on pourra parfois tolérer certaines quintes ou octaves de ce genre, il faut pour le moment apprendre à les corriger, disons plutôt : à les maîtriser.
Exemples 2 et 3 : deux manières (parmi d'autres?) de corriger les fautes. On a tenu à corriger les trois fautes sans modifier le soprano ni la basse, comme dans une situation où il serait interdit d'y toucher (basse donnée, ou encore : chant donné). Bien d'autres modifications sont possibles si on a l'option de modifier le soprano, ou de fondamentalement changer la basse et l'harmonie. Il suffit souvent de déplacer une seule note (même si cela modifie une doublure) pour corriger le problème. Ici, le ré du ténor était le plus grand fautif, et justement les accords de sixte offrent un plus grand choix de positions usuelles.